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S’étirer avant et après l’exercice, est-ce nécessaire ?

Photo du rédacteur: Laura RICHARDLaura RICHARD

Les étirements statiques sont souvent considérés comme un sacro-saint pilier de la bonne forme physique, mais certains tirent un peu trop sur l’élastique quand vient le temps d’interpréter les données scientifiques à ce sujet.




L’idée que nous devons étirer nos muscles avant et après une séance d’entraînement est profondément ancrée dans notre société. Nous nous étirons pour prévenir les blessures. Nous nous étirons pour mieux récupérer après une blessure. Nous nous étirons pour éviter les courbatures. Nous nous étirons pour améliorer nos performances. Et nous nous étirons pour acquérir plus de souplesse, et la souplesse, nous dit-on, est une bonne chose. Après tout, il s’agit de l’un des cinq éléments de la forme physique, selon le Collège américain de la médecine sportive, avec la composition corporelle, la force et l’endurance musculaires et la capacité cardiorespiratoire.


« Basé sur des croyances et non sur des données »


Je veux me concentrer sur les étirements statiques. Imaginez qu’un coureur étire le muscle de sa cuisse en levant sa jambe, en la pliant derrière lui et en gardant cette pose pendant quelques secondes : voilà un étirement statique.

Avant même d’examiner les études sur les étirements statiques, il convient d’apposer un astérisque géant au nom de l’anatomie. Parfois, nous pensons étirer un muscle, mais ce n’est pas le cas, car le muscle en question ne peut pas être étiré. Paul Ingraham, l’ancien massothérapeute, les appelle « les inextensibles ». L’étirement de la cuisse, par exemple, n’étire qu’un des quatre muscles qui la composent, soit environ de 10 % à 15 % de la masse musculaire. Les trois autres, une partie essentielle du quadriceps, s’allongent un peu, mais ils ne sont pas étirés, ce qui signifie que les muscles et les tendons ne s’allongent pas suffisamment pour que l’on ressente une traction distincte sur les tissus mous. Certains ergoteront sur la définition élastique d’un « étirement », c’est pourquoi nous devons examiner les données dont nous disposons sur ses prétendus bienfaits.

La recherche sur les étirements n’est pas exempte des écueils que l’on rencontre partout dans la recherche scientifique. Le domaine est jonché de petites études, parfois non représentatives, qui posent des problèmes méthodologiques. Les différences substantielles entre les façons dont ces études ont été menées peuvent compliquer pour les scientifiques la tâche d’essayer de résumer l’état des connaissances. Après tout, comparer des pommes et des oranges n’est pas facile.

Cela dit, les conclusions tirées des examens systématiques et des méta-analyses sont décevantes. Même avec un corpus d’études imparfait, un résultat positif clair aurait dû émerger à ce jour si l’étirement avait un effet positif majeur sur la performance sportive ou la prévention des blessures, et ce n’est pas le cas.


Un effort d’imagination

Malgré les données décevantes sur le sujet, l’idée que l’étirement de nos muscles est nécessaire ne disparaît pas.

Dans son article, Nuzzo souligne les cas curieux de scientifiques qui, après avoir constaté que les scores de souplesse des professeurs de danse aérobique et des joueurs d’élite de hockey sur gazon étaient identiques à ceux de la population générale, ont conclu que ces personnes manifestement en forme devraient s’étirer davantage ! Cela m’a rappelé comment les adeptes de la médecine dite alternative, ne constatant aucune différence entre leur intervention et un placébo dans une étude rigoureuse, disent que leur intervention fonctionne grâce à l’effet placébo. On pourrait appeler cela le pivot du désir : ce qui est testé est considéré comme indiscutablement désirable, alors quand les résultats sont un échec, on fait pivoter interprétation pour préserver cette désirabilité. Dans l’esprit de certains scientifiques, la flexibilité doit être importante. Lorsque des athlètes d’élite prouvent le contraire, ces chercheurs réfutent l’idée que l’athlétisme ne requiert pas de souplesse.


Le très influent Collège américain de la médecine sportive recommande toujours des étirements quotidiens pour chacun des principaux groupes muscle-tendon. En effet, la plupart des associations d’entraînement physique continuent de prôner les étirements et la souplesse. Deux exceptions notables à ce consensus : le programme d’échauffement de la FIFA, qui conseille spécifiquement de ne pas s’étirer, et le rapport 2012 de l’Institut de médecine (devenu depuis l’Académie nationale de médecine) sur la mesure de la forme physique chez les jeunes, qui souligne le manque de preuves liant les tests de flexibilité à l’état de santé des jeunes, et qui ne recommande pas de mesurer la flexibilité dans les enquêtes nationales sur la forme physique des jeunes.

Ce mot que je viens d’utiliser, « consensus », mérite d’être disséqué ici. Tout au long de la pandémie de COVID-19, les communicateurs scientifiques, comme moi, ont orienté le public dans la direction du consensus scientifique. La position de la majorité des experts dans un domaine constitue, selon toute vraisemblance, la meilleure connaissance dont nous disposons actuellement. Alors, pourquoi ne pas se fier au consensus sur les étirements auquel en arrivent la plupart des associations d’entraînement physique ? Tout simplement parce que, pour autant que je sache, il ne repose pas sur des preuves. Il continue d’être défendu par des arguments tels que « intuitivement, cela a du sens » et « en théorie, cela devrait fonctionner ». Un consensus bâti sur l’intuition n’est pas de nature scientifique ; il est historique, et son inertie mérite de sentir la résistance d’un ensemble de preuves contradictoires.

Cet article n’est pas contre les étirements, pas plus que ne l’était celui de James Nuzzo (ou le long essai de Paul Ingraham sur le sujet, dont je recommande la lecture à toute personne ayant envie d’une plongée en profondeur accessible). Si vous aimez les étirements, faites-en. Si vous avez une crampe, l’étirement du muscle en question est généralement le moyen le plus rapide de vous soulager. Par ailleurs, un article d’opinion récent affirmait que les étirements vous apprennent à prendre conscience de votre corps, et je suis d’accord. Ayant pratiqué le yoga et le pilates pendant de nombreuses années, je peux dire que ces disciplines m’ont enseigné à sentir mon corps dans l’espace et m’ont aidé à trouver mon équilibre.

Mais je ne m’étire plus avant et après une séance d’entraînement. Je m’échauffe plutôt en faisant une version plus légère de l’activité que je m’apprête à pratiquer. Pour un coureur, cela peut se traduire par une marche ou un jogging léger. Pour un adepte des arts martiaux, il peut s’agir d’une légère boxe dans le vide, communément appelée shadow boxing. Il faut échauffer les muscles, augmenter la fréquence cardiaque et tester l’amplitude des mouvements sans appliquer toute la force nécessaire.

Pourtant, les étirements sont toujours considérés comme un pilier de la bonne forme physique, malgré les preuves dont nous disposons. L’ironie de la chose, c’est que cette position — nourrie d’une inertie historique incontestable — est très rigide. Elle manque de souplesse.


Message à retenir :

- On pense généralement que les étirements avant ou après l’entraînement améliorent les performances, préviennent les courbatures et les blessures et apportent de la souplesse, jugée importante pour la bonne forme physique.


- Bien que la littérature scientifique sur le sujet soit loin d’être parfaite, les résultats montrent que les étirements peuvent en fait nuire aux performances dans certains cas et qu’ils ne semblent pas prévenir les blessures.


- Certains estiment que la souplesse ne devrait pas être considérée comme une composante majeure de la forme physique, car la corrélation entre les deux est « peu impressionnante ».




 
 
 

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